Il y a poète dans ce livre… Du fond de ces impressions qui déteignent sur toute vie et sur toute pensée à leur aurore, du fond de toutes ces remembrances dont nous sommes les échos dans notre jeunesse, du fond de toutes les éducations poétiques, mortelles parfois à la poésie, comme bien souvent les femmes sont mortelles à notre faculté d’aimer, nous voyons briller la divine étincelle, qui dague le regard comme une pointe de diamant ou d’étoile. […] très bien soupé de son poème, nous pouvons danser autour de Maurice Bouchor, pris par l’idée chrétienne quand il veut le moins être chrétien, et poussant du fond de sa poitrine d’athée des cris, des cris de chrétien qui sont pour nous des airs de fête, puisqu’ils prouvent qu’il est chrétien encore… Maurice Bouchor, l’athée, est le chrétien malgré lui, comme Sganarelle est le médecin malgré lui, mais nous ne lui avons pas donné des coups de bâton pour cela… Il est chrétien ; et qu’il proteste, qu’il se fâche contre nous tant qu’il voudra ! […] L’eau du baptême, pour lui comme pour presque tous les impies de ce temps, qui ne s’en doutent pas, a ruisselé de sa tête jusque dans le fond de son cœur… et elle est restée dans cette citerne profonde. […] Eh bien, c’est cette même voix qui circule et qu’on entend dans les poésies de Bouchor, de ce poète athée qui pleure son dieu, comme Hécube pleurait ses enfants perdus, et que son athéisme rend tour à tour morne ou effaré… Seulement, le tableau effrayant de Jean-Paul ne dure que l’instant d’une page, zigzag de feu terrible qui tombe dans le gouffre sans fond du néant et nous éclaire ce trou vide !