/ 1749
1038. (1864) Études sur Shakespeare

À peine le soleil naissant avait annoncé l’arrivée de ce jour d’allégresse que toute la jeune population répandue dans les bois, les prés, sur les rivages et les collines, courait, au son des instruments, faire sa moisson de fleurs ; elle revenait chargée d’aubépine, de verdure, en ornait les portes, les fenêtres des maisons, en couvrait le mai coupé dans la forêt, en couronnait les cornes des bœufs destinés à le traîner : « Lève-toi, dit Herrick à sa maîtresse, au matin du premier de mai, lève-toi et vois comme la rosée a couvert de paillettes l’herbe et les arbres ; depuis une heure, chaque fleur a pleuré et penche sa tête vers l’Orient. […] Viens, ma Corinne, viens, et vois en passant comme chaque prairie devient une rue, chaque rue un parc verdoyant et orné d’arbres ; vois comme la dévotion a donné à chaque maison une grosse branche ou un rameau ; tout ce qui était porte ou portique est devenu une arche, un tabernacle formé d’épines blanches élégamment entrelacées13. » Et cette élégance des chaumières est la même dont se pareront les châteaux ; les champs et des fleurs, c’est ce que chercheront les jeunes gentilshommes comme les garçons du village. […] Comme le premier de mai étale ses arcades de verdure, comme la toute des brebis jonche les rues de fleurs, comme les épis font la parure de la fête des moissons, de même Noël aura ses salles tapissées d’ifs, de houx et de laurier vert. […] Mais Shakespeare en a fait le Songe d’une nuit d’été ; au milieu de cette fade intrigue interviendront Oberon et son peuple de fées et d’esprits qui vivent de fleurs, courent sur la pointe des herbes, dansent dans les rayons de la lune, se jouent avec la lumière du matin, et s’enfuient à la suite de la nuit, mêlés aux douteuses lueurs de l’aurore. […] Où l’ingénuité d’un amour permis a-t-elle fait naître une fleur plus pure que Desdemona ?

/ 1749