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474. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Renan n’a pas cru devoir faire ainsi, et en effet sa pensée a été bien autrement méditée et bien plus haute ; son dessein et son projet est à plus longue fin. […] Renan, ont un sens douteux et double et ne sont pas entendus également des deux côtés. » Un troisième ami m’arriva avant la fin de la journée ; celui-ci est très-mesuré et très-circonspect, c’est un prudent et un politique ; il vit le livre sur ma table, ne me questionna que pour la forme et, sans attendre ma réponse, me dit : « Je n’aime pas ces sortes de livres, ni voir agiter et remuer ces questions. […] Notre clergé catholique lui-même, qui ne discute en pareil cas que le moins possible et comme à la dernière extrémité, qui oppose tant qu’il peut aux dissidents une fin de non-recevoir, ne tenait nul compte de ces travaux hétérodoxes, rien ne l’obligeant à s’en inquiéter. […] Il est arrivé ainsi à faire un livre d’art autant et plus que d’histoire, et qui suppose chez l’auteur une réunion, presque unique jusqu’ici, de qualités supérieures, réfléchies, fines et brillantes. […] Quand on ouvre les Évangiles pour les lire sans parti pris, et en ayant passé l’éponge en soi sur toute doctrine préconçue, il en sort, au milieu de mainte obscurité, de mainte contradiction qu’on y rencontre, un souffle, une émanation de vérité morale toute nouvelle ; c’est le langage naïf et sublime de la pitié, de la miséricorde, de la mansuétude, de la justice vivifiée par l’esprit ; l’esprit en tout au-dessus de la lettre ; le cœur et la foi donnant à tout le sens et la vie ; la source du cœur jaillissante et renouvelée ; les prémices, les promesses d’une joie sans fin ; une immense consolation assurée par-delà les misères du présent, et, dès ici-bas, de la douceur jusque dans les larmes.

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