Une des figures les plus originales, les plus singulières et à la fois les plus naturelles du xviie siècle, est certainement la Grande Mademoiselle, fille de Gaston, nièce de Louis XIII et cousine germaine de Louis XIV. […] Elle va un jour en visite à l’abbaye de Fontevraud, où elle avait une tante abbesse, fille naturelle d’Henri IV, et elle commence à s’y ennuyer dès le premier instant. Mais les filles de sa suite découvrent une folle enfermée dans un cachot : vite elles appellent Mademoiselle pour la divertir du spectacle de ses extravagances : « Je pris ma course vers ce cachot, dit-elle, et n’en sortis que pour souper. » Le second jour, l’abbesse, voyant qu’elle y avait pris goût, la régala d’une seconde folle : « Comme il n’y en avait plus pour un autre jour, ajoute-t-elle plaisamment, l’ennui me prit ; je m’en allai malgré les instances de ma tantej. » C’est de ce ton que les misères humaines sont traitées, et de la part de quelqu’un qui avait de la bonté au fond, mais personne, encore une fois, pour l’éclairer et l’avertir. […] C’est même par là autant que par son bon air, c’est par l’agrément de sa conversation, que Lauzun s’insinua d’abord auprès d’elle : « Je lui trouvais des manières d’expressions que je ne voyais point dans les autres gens. » Richelieu mort, Gaston, que les dernières intrigues avaient éloigné, fit son accommodement avec la Cour ; il revint à Paris et descendit chez sa fille : Il soupa chez moi ou étaient les vingt-quatre violons, dit Mademoiselle ; il y fut aussi gai que si MM. de Cinq-Mars et de Thou ne fussent pas demeurés par les chemins.