Il se trouvait là une femme âgée de cent dix ans ; je n’ai jamais vu plus effrayante figure : elle était nue, à l’exception d’une couverture qui laissait voir, en mille endroits, le corps le plus décharné dont on puisse se faire idée ; elle était escortée de deux ou trois générations de petits enfants. […] Villemain, qui a tout son talent en écrivant et tout son esprit en causant, a l’habitude de comparer ces tableaux de Tocqueville où il est tant question des mœurs et jamais des personnes, jamais des individus, où tout portrait est absent, à ces tableaux que les musulmans se permettent, dit-on, par un certain compromis avec la défense de leur loi : on y voit des choses représentées, des mousquets qui partent, des canons qui tirent, tout l’appareil d’un combat, et pas une figure. Ces figures, Tocqueville les avait à sa disposition, comme le prouve son Journal de notes : pourquoi les tenait-il en portefeuilles ? Son esprit n’était satisfait que lorsqu’il avait élevé son observation jusqu’à un degré d’abstraction supérieure ; il atteignait parfois au tableau, mais c’était ce tableau sans personnages et sans figures dont parle M.