Même quand il s’essaie, comme dans David Copperfield et Les Grandes Espérances, à ce genre, le plus facile de l’analyse psychologique, l’autobiographie, le personnage qui se confesse tout au long de deux volumes en petit texte est plus irréel et plus inexistant encore, se dessine moins visiblement que ne le sont les figures de second plan, en moins d’effusions. […] Quand dans Bleak House, l’avoué qui figure dans ce récit, regarde l’heure qu’il est à diverses horloges, en se dirigeant vers sa maison où l’attend une femme qui va l’assassiner, Dickens discute sur les avertissements qu’auraient dû donner au promeneur ces cadrans taciturnes et leur fait tenir les discours que, pour son malheur, l’homme de loi ne put entendre. […] En se souvenant encore de quelques fantastiques harpagons de Dickens, tels que le vieux Gride de Nicolas Nickleby ou le vieux Scrooge de l’un des Contes de Noël, on aura de bons exemples de ce que peut donner un art essentiellement réticent et suggestif, qui se borne à de rares indications disconnexes en laissant à l’imagination des lecteurs le soin de compléter les linéaments des figures ainsi esquissées dans l’ombre. […] Que l’on prenne dans Olivier Twist la massive et redoutable figure du bedeau qui régit avec une si épaisse et stupide cruauté l’hospice de la commune, que l’on observe sa gaîté, sa panse, sa carrure de majordome et de geôlier, sa grosse nature sans pitié, la satire paraîtra violente et elle a porté de grands coups à l’institution même du workhouse. […] Les années passèrent ; en sa figure plus ferme, construite en larges plans anguleux et dont la chair semble d’un grain particulièrement fin et ferme, — un visage d’acier, disait Mme Carlyle, — le regard est devenu plus dur, presque hautain sous le haut front poli ; une résolution excessive et surtendue s’accuse dans la bouche nerveusement pressée au-dessus du menton volontaire que prolonge une barbiche de commodore américain.