Aucune comparaison mentale entre l’idée du feu et celle de la brûlure ne nous apprendra que le feu brûle si nous n’en faisons pas l’expérience, si la cohésion des deux représentations n’est pas donnée dans une sensation complexe suivie de réaction. […] L’habitude, par la répétition, le fortifiera, augmentera même la cohésion des représentations de feu et de brûlure, le passage facile d’un mode de vibration cérébrale à l’autre. […] Pour affirmer que le feu brûle, l’enfant qui ne sait pas parler écarte sa main du feu, s’il en est près, ou accomplit par l’imagination ce mouvement, s’il en est loin. […] Quand je reverrai un feu semblable au premier, la vue de ce feu, renforçant le simple souvenir, me fera retirer ma jambe tout comme si j’avais éprouvé la brûlure. Cette représentation très pratique du feu, qui aboutit à un mouvement et se manifeste ainsi comme une force, est par la même raison beaucoup plus digne de s’appeler un jugement : c’est même l’ébauche de cette induction : « le feu m’a brûlé, le feu va me brûler encore. » Supposez enfin qu’en écartant ma jambe du feu je réussisse en effet à ne pas me brûler : voilà une complète harmonie entre le groupe de représentations qui était dans mon esprit au premier moment et le groupe qui s’y trouve au second.