J’ai été très libertin par force de tempérament, et je n’ai commencé à m’occuper sérieusement des lettres que rassasié de libertinage, à peu près comme ces femmes qui donnent à Dieu ce que le diable ne veut plus. […] L’Histoire de Mme de Luz, petit roman du temps de Henri IV, sous prétexte de peindre une femme noble et touchante, victime de machinations ou de malheurs, n’offre que des situations odieuses et dont l’image offense sans que rien de pathétique attendrisse ou console. […] Quant aux Confessions du comte de…, ce sont les mémoires d’un roué, d’un jeune colonel du commencement du xviiie siècle, et qui présente une première ébauche de ces autres héros fictifs ou réels, les Valmont et les Lauzun : on y parcourt une liste de bonnes fortunes, à travers lesquelles l’auteur a la prétention de peindre une collection de caractères de femmes, la femme de qualité, l’Anglaise, l’Espagnole, la coquette, la dévote, la caillette, la marchande, la financière ; mais les esquisses sont si rapides et si peu gracieuses, les teintes si monotones, qu’on fait bientôt comme le héros qui les confond et qui les oublie. Duclos a prononcé sur lui-même un mot qui explique le manque absolu de charme par où pèchent ses romans : « Je les aimais toutes, dit-il en parlant des femmes, et je n’en méprisais aucune. » Lorsqu’on pense ainsi des femmes, eût-on le génie poétique d’un Byron dans Don Juan, il est difficile qu’on nous intéresse particulièrement à aucune : qu’est-ce donc lorsqu’on est, comme Duclos, la prose même ? Dans le portrait de la dernière conquête qu’il prête à son héros, il a essayé d’atteindre à une sorte d’idéal en peignant Mme de Selve, qui est selon lui l’honnête femme ; mais là encore il a su joindre à quelques intentions meilleures bien de l’indélicatesse.