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885. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

Vers 1820, un très-jeune homme qui était reçu chez M. de Maistre, et qui s’effrayait de lui voir entre les mains quelque tome tout grec de Pindare ou de Platon, fut un jour fort étonné de lui entendre chanter de sa voix la plus joviale et la plus fausse quelques couplets du vieux temps, la Tentation de saint Antoine, par exemple. […] La foule comprend ces dogmes, donc ils sont faux ; elle les aime, donc, ils sont mauvais. […] « En effet, quelle apparence que le bon Dieu n’ait fait la religion que pour les esprits pointus, et qu’il n’y ait pas quelque manière facile de connaître ce qui est faux ? […] Que d’autres invoquent donc tant qu’il leur plaira la parole muette, nous rirons en paix de ce faux Dieu, attendant toujours avec une tendre impatience le moment où ses partisans détrompés se jetteront dans nos bras, ouverts bientôt depuis trois siècles. » Tout ce passage est d’un bel accent. […] ils avaient voulu faire de vous un chef de leur école, un précurseur d’eux-mêmes, et vous avaient tiré à eux, ajusté à leur taille, et présenté sous un jour étroit, faux et dans lequel, en vous idolâtrant sans cesse, ils vous avaient diminué.

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