La ruine soudaine de crédit qui s’était fait sentir au sein de la famille à la mort de l’oncle ministre (1787) avait été pour elle une première leçon, et qui ne l’étonna point : elle savait de bonne heure son La Bruyère. La Révolution la trouva très en méfiance, elle eût été d’avis de quitter la France avant les extrémités funestes ; mais son mari n’y ayant pas consenti, elle ne s’occupa plus que d’y tenir bon, de faire face aux malheurs, et, au lendemain des désastres, de sauver l’avenir de sa jeune famille. […] Du milieu social où elle naquit, comme de celui où se forma son aînée, Mlle Pauline de Meulan, on peut dire (et je m’appuie ici pour plus de facilité sur des paroles sûres) que « c’était une de ces familles de hauts fonctionnaires et de bonne compagnie, qui sans faire précisément partie ni de la société aristocratique, ni même de la société philosophique, y entraient par beaucoup de points et tenaient du mouvement du siècle, bien qu’avec modération, à peu près comme en politique M. de Vergennes, qui contribua à la révolution d’Amérique, fut collègue de Turgot et de M. […] Du milieu de cette foule de bonnes plaisanteries qui lui échappaient sans cesse, jaillissaient encore des réflexions fortes et profondes, que son bon goût avait soin de revêtir toujours d’une sorte de couleur féminine… » Sans trop m’arrêter sur cet ancien portrait de famille placé aux origines de notre sujet, et qui le domine du fond, sans prétendre non plus pénétrer dans le mystère de la transmission des esprits, ne semble-t-il donc pas, presque à la première vue, que de si amples et si vives qualités maternelles aient suffi à se partager dans sa descendance, et à y fructifier en divers sens, comme un riche héritage ? […] D’un caractère, d’un tour d’esprit tout autre que Mme de Vergennes et appartenant à une génération de beaucoup antérieure, Mme d’Houdetot habitait Sannois ; un mur mitoyen séparait les deux familles ; le voisinage et toutes les convenances aimables les lièrent.