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439. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Théodore Leclercq naquit à Paris, en 1777, d’une bonne famille de la bourgeoisie parisienne. […] Ce bien modique que souhaitait André Chénier, ce bien qui vient de famille et qu’on n’a pas eu à gagner à la sueur de son front, res non parta labore, sed relicta, est aussi l’un des vœux du poète Martial. […] Cet homme lunatique, qui commence sa matinée du dimanche par contrarier femme et domestique en tout point, par se refuser au dîner périodique de famille sous prétexte qu’on ne l’a pas invité par écrit, qui ne sait qu’imaginer pour contredire les autres et lui-même, qui n’a pas plus tôt exprimé un caprice, qu’il le regrette ; que tout vient tenter et lutiner sans le fixer à un choix ; qui passe de l’envie du trictrac à celle de dîner tout seul, puis à l’idée de se purger, et qui finit, après avoir bien grondé, et sa lune déclinant vers le soir, par se laisser coiffer par sa belle-mère d’un bonnet de coton à longue mèche, et par se coucher docilement à jeun, comme un enfant honteux qui est puni d’avoir fait le malade ; tout ce portrait est délicieux, et si La Bruyère avait fait de son Distrait une petite comédie, c’est ainsi qu’il aurait voulu s’y prendre, qu’il aurait ménagé les scènes, en y semant les jolis mots. […] Les dernières années de sa vie, entourées et consolées d’ailleurs des soins de la plus aimable et affectueuse famille, s’écoulèrent dans des infirmités cruelles, qui ne lui arrachèrent pas une plainte.

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