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292. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

Évidemment, la manie d’antidater et de remonter haut l’a mené trop loin : il n’était pas dans les secrets ni dans les papiers de la famille. […] Quoi qu’il en soit, telle se montre à nous, par sa correspondance, la vraie marquise de Créqui dans ses relations avec la famille Necker, de 1782 à 1789. […] Elle compatit aux pauvres gens et aux affligés que frappe cette banqueroute ; elle en donne les détails et les chiffres précis à Senac de Meilhan, son correspondant très cher ; et, voyant la superbe famille de Rohan si humiliée et par cette catastrophe et par d’autres accidents qui bientôt suivirent, elle en revient aux réflexions morales ; elle se félicite au moins de ne tenir à rien, et de ne point prêter à ces revers subits du faste et à ces chutes de l’ambition ; elle se rejette dans la médiocrité, comme disait La Bruyère : Ô obscurité, s’écrie-t-elle avec un sentiment moral qui ferait honneur à toutes les conditions, tu es la sauvegarde du repos, et par conséquent du bonheur ; car qui peut dire ce qu’on serait en voulant des places, des biens, des titres, des rangs au-dessus des autres, où on arrive par l’intrigue, où on se maintient par la bassesse, et dont on sort avec confusion souvent, et toujours avec douleur ? […] Mais comment se jouer aux Coigny, aux Coislin, à aucune de ces nobles familles qui avaient laissé des héritiers et des descendants ? […]  » La consolation véritable de Mme de Créqui eût été dans sa famille, si elle avait pu conserver plus longtemps son oncle le bailli de Froullay, auquel elle fut attachée comme la fille la plus tendre : elle connut avec lui tout ce qu’il y a de pur et de doux dans l’amitié la plus constante, la plus dévouée.

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