. — Cela se voit très aisément pour d’autres mots ultérieurs, par exemple pour le mot kaka ; elle le répète encore souvent hors de propos, sans intention, en façon de ramage, dix fois de suite, au grand déplaisir de sa mère, comme un geste vocal intéressant, pour exercer une faculté nouvelle ; mais souvent aussi elle le dit avec intention, quand elle a besoin ; de plus, il est clair qu’elle en a changé ou élargi le sens, comme pour le mot bébé ; hier, dans le jardin, voyant deux petites places humides, deux traînées d’arrosoir sur le sable, elle a répété son mot, avec un sens, visible et voulu ; elle désigne par ce mot ce qui mouille. […] Ceci n’est qu’une faculté du gosier ; il y en a une autre bien plus frappante qui est le don humain par excellence, et qui se manifeste en vingt façons : je veux parler de l’aptitude à saisir les analogies ; là est la source des idées générales et du langage. […] D’abord et pendant plus de quinze jours, l’enfant a prononcé ce mot tem comme le mot papa, sans lui donner un sens précis, à la façon d’un simple ramage ; elle exerçait une articulation dentale terminée par une articulation labiale et s’en amusait. […] Si l’on résume les faits que je viens de raconter, on arrive aux conclusions suivantes ; c’est aux observateurs à les contrôler par des observations faites sur d’autres enfants : L’enfant crie et emploie son organe vocal à l’origine de la même façon que ses membres, spontanément et par action réflexe. — Spontanément, et par plaisir d’agir, il exerce ensuite son organe vocal de la même façon que ses membres, et il en acquiert l’usage complet par tâtonnements et sélection. — Des sons non articulés, il passe ainsi aux sons articulés. — La variété d’intonations qu’il acquiert indique chez lui une délicatesse d’impression et une délicatesse d’expression supérieures. […] On se cache la figure dans les mains en lui disant ce mot, et il rit ; souvent alors, il le répète, en se cachant aussi le visage dans la poitrine de la personne qui le tient ou en détournant la tête et en fermant les yeux. — 2º Avoua (au revoir) ; on lui dit ce mot, et il le répète quand on le ramène dans la chambre des enfants et qu’on ferme la porte ; il cesse alors de nous voir, et probablement ce mot signifie pour lui disparition de quelqu’un, disparition de certaines figures qu’il connaît. — Nul autre mot ; il ne comprend pas les mots papa, maman, quoiqu’il les dise parfois en façon de ramage.