. — Il est abstrait parce qu’il désigne un extrait, c’est-à-dire une portion d’individu, laquelle se retrouve dans tous les individus du groupe ; le nom d’arbre exprime la qualité commune à toutes les espèces d’arbres, peupliers, chênes, cyprès, bouleaux, etc. ; celui de polygone représente la qualité commune à toutes les sortes de polygones, triangles, quadrilatères, pentagones, hexagones, etc. — On voit la liaison de ces deux caractères du nom ; il est général parce qu’il est abstrait ; il convient à toute la classe parce que l’objet désigné, n’étant qu’un morceau, peut se retrouver dans tous les individus de la classe, lesquels, semblables à ce point de vue, restent néanmoins dissemblables à d’autres points de vue. […] Tout le corps parle ; souvent, à défaut du mot, c’est le geste qui exprime ; une grimace, un haut-le-corps, un bruit imitatif deviennent signes à la place du nom ; pour désigner une allée de vieux chênes, la taille se dresse droite, les pieds se prennent au sol, les bras s’étendent raides, puis se cassent aux coudes en angles noueux ; pour désigner un fourré de chèvrefeuille et de lierre, les dix doigts étendus se recourbent et tracent des arabesques dans l’air, pendant que les muscles du visage se recourbent en petits plis mouvants. — Cette mimique est le langage naturel, et, si vous avez quelque habitude de l’observation intérieure, vous devinez à quel état intérieur elle correspond. […] Il a les mêmes affinités et les mêmes répugnances que la représentation, les mêmes empêchements et conditions d’existence, la même étendue et les mêmes limites de présence : affinités et répugnances, empêchements et conditions d’existence, étendue et limites de présence, tout ce qui se rencontrerait en elle se rencontre en lui par contrecoup. — Par cette équivalence, les caractères généraux des choses arrivent à la portée de notre expérience ; car les noms qui les expriment sont eux-mêmes de petites expériences de la vue, de l’ouïe, des muscles vocaux, ou les images intérieures, c’est-à-dire les résurrections plus ou moins nettes de ces expériences. […] Un jour, sur la terrasse, voyant que le soleil disparaît derrière la colline, elle dit : « A bule coucou. » C’est là un jugement complet, non seulement exprimé par des mots que nous n’employons pas, mais encore correspondant à des idées, partant à des classes d’objets, à des caractères généraux, à des tendances distinctes qui chez nous ont disparu.