Elle aurait volontiers emprunté de l’illustre philosophe son idée d’un rapprochement et d’une fusion, d’une réconciliation entre les principales communions chrétiennes ; elle traduisait cela un peu brusquement à sa manière lorsqu’elle disait : « Si l’on suivait mon avis, tous les souverains donneraient ordre que parmi tous les chrétiens, sans distinction de religion, on eût à s’abstenir d’expressions injurieuses, et que chacun croirait et pratiquerait selon sa volonté… » Au milieu de cette cour de Louis XIV, qui allait être si unanime sur la révocation de l’édit de Nantes, elle apportait et elle conserva d’inviolables idées de tolérance : « C’est ne se montrer nullement, chrétien, disait-elle, que de tourmenter les gens pour des motifs de religion, et je trouve cela affreux ; mais lorsqu’on examine la chose au fond, on trouve que la religion n’est là que comme un prétexte ; tout se fait par politique et par intérêt. […] Au contraire de la nature des femmes, elle n’a aucune envie de plaire, aucune coquetterie : « Nulle complaisance, dit Saint-Simon, nul tour dans l’esprit, quoiqu’elle ne manquât pas d’esprit. » On lui demandait un jour pourquoi elle ne donnait jamais un coup d’œil au miroir en passant : « C’est, répondit-elle, parce que j’ai trop d’amour-propre pour aimer à me voir laide comme je suis. » Le beau portrait de Rigaud nous la rend d’une parfaite ressemblance dans sa vieillesse, grasse, grosse, à double menton, aux joues colorées, avec la dignité du port toutefois et la fierté du maintien, et une expression de bonté dans les yeux et dans le sourire. […] Il se glisse ainsi par moments, sous la plume et dans l’expression de Madame, une veine naturelle de Rabelais et de grotesque. […] C’est, pour n’en citer qu’un exemple, au calvinisme du malheureux électeur Frédéric V, grand-père de la duchesse d’Orléans, qu’il faut attribuer en grande partie la froideur avec laquelle les États luthériens d’Allemagne accueillirent l’élection de ce prince au trône de Bohême, et le peu d’appui qu’ils lui prêtèrent après sa défaite. — Ce fut, me dit-on encore de bonne part, un des ancêtres de Madame, l’électeur Frédéric III, qui se fit réformé vers 1560 et qui introduisit une forme de culte et de symbole, non pas exactement calviniste, mais plutôt zwinglien, et dont le Catéchisme de Heidelberg est l’expression.