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358. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Necker, et qui l’accueillit avec un mélange de cordialité et de malice : Je ne sais, Madame, écrivait Mme Necker à l’une de ses amies de Lausanne (novembre 1765), si je vous ai dit que j’ai vu Gibbon ; j’ai été sensible à ce plaisir au-delà de toute expression ; non qu’il me reste aucun sentiment pour un homme qui, je crois, n’en mérite guère, mais ma vanité féminine n’a jamais eu un triomphe plus complet et plus honnête. […] Elle semblait ne voir certains objets qu’à travers un brouillard qui les grossissait à ses yeux ; et alors son expression s’enflait tellement, que l’emphase en eût été risible, si l’on n’avait pas su qu’elle était ingénue. […] Elle ne dit presque rien sans renchérir sur l’idée naturelle ou sur l’expression, en y cherchant quelque rapport inusité. […] Cette expression de la chaîne des idées aussi lui est familière : on dirait qu’elle en sent constamment le poids. — À tout moment reviennent sous sa plume des comparaisons qui, loin d’expliquer la pensée déjà obscure et énigmatique par elle-même, ont pour effet de l’obscurcir davantage ; le peu de rayon qu’on y entrevoyait s’évanouit. […] Peignant le bonheur de deux époux fidèles, et celui du père en particulier qui, se revoyant tout vivant dans les traits de ses enfants, y lit la pudicité de son épouse, la vérité de son émotion la fait arriver à l’expression parfaite et au coloris : Quelquefois même, un époux tendrement aimé se voit seul tout entier dans les traits de ses enfants.

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