Dans une lettre de février 1815, adressée à M. de La Fayette, on voit en abrégé toute l’opinion de Jefferson sur les événements de notre Révolution, avec les changements qu’y avait apportés l’expérience ; il y rétracte son ancienne idée d’un accommodement possible en 89 ; il croit reconnaître, avec M. de La Fayette, que la France de 91 était mûre pour la constitution qu’on lui avait faite, si on n’avait voulu la pousser encore plus avant, au-delà de la monarchie. […] Avec un chef héréditaire, mais renfermé dans d’étroites limites ; avec un Corps législatif investi du droit de déclarer la guerre, une rigide économie des contributions publiques, l’interdiction absolue de toutes dépenses inutiles, on peut réaliser à un très haut degré les conditions d’un gouvernement honnête et éloigné de toute oppression ; mais la seule garantie de tout cela est une presse libre. » Si Jefferson vivait en ce moment ; si, âgé de 90 ans, et de son poignet de plus en plus perclus, il écrivait à son même ami, après une expérience nouvelle, ne lui manderait-il point, par hasard, que cet autre accommodement qu’il se figurait possible ne l’était guère plus en réalité que celui qu’il conseillait en 89 ? […] Une expérience rigoureuse lui avait appris qu’aux maux profonds, aux peines du dedans, il n’est de remède que le temps, le silence absolu, et aussi l’espoir de ce monde invisible où nous nous réunissons dans nos pures essences.