Les préjugés dont il n’était pas subjugué, les passions factices dont il n’était pas la proie n’offusquaient point à ses yeux, comme à ceux des autres, ces premiers traits si généralement oubliés ou méconnus… En un mot il fallait qu’un homme se fût peint lui-même, pour nous montrer ainsi l’homme primitif, et, si l’auteur n’eût été tout aussi singulier que ses livres, jamais il ne les eût écrits… Si vous ne m’eussiez dépeint votre Jean-Jacques, j’aurais cru que l’homme naturel n’existait plus. […] Dans l’état de nature, l’homme est bon : comment serait-il mauvais, puisque ni la moralité ni la loi n’existent ? […] Car, en premier lieu, le don absolu que les citoyens font d’eux-mêmes à l’État semble être incompatible avec la forte constitution de la vie morale intérieure ; jamais la conscience de Wolmar ou de Julie ne saura donner à la volonté générale, à la loi, un droit absolu de lui prescrire et de la régler : les dogmes de la religion civile ou l’oppriment, s’ils parlent autrement qu’elle, ou n’existent pas, s’ils parlent comme elle.