Les larmes orientales de Xerxès, Hérodote les a pleurées. « Il m’est venu une pitié au cœur, dit le roi, ayant calculé combien est brève toute existence humaine, puisque de tous ceux-là, qui sont si nombreux, nul dans cent ans ne survivra Ce n’est pas là, répond Arbatane, ce qu’il y a dans la vie de plus déplorable ; car, malgré sa brièveté, il n’est point d’homme tellement heureux que pour un motif ou pour un autre il n’ait souhaité, non une fois, mais souvent, de mourir plutôt que de vivre. […] chez cette merveilleuse race, l’homme aime l’action, même quand il la sait inutile et décevante. « Laissons ces discours sur l’existence humaine, quoiqu’elle soit ce que tu la décris12 » Les durs commencements dans une terre toute neuve et qui n’était pas toujours clémente, les longues luttes entre Pélasges, Hellènes, Doriens, Ioniens, et aussi les grands cataclysmes naturels dont plusieurs de leurs mythes ont conservé le souvenir, avaient fait aux Grecs une âme à la fois active et résignée, où le plaisir de vivre et d’agir se tempérait par instants de mélancolie fataliste. […] Leur existence n’avait point de vide où se pût introduire le désespoir. […] Mais l’homme du moyen âge, si fort qu’il mange et qu’il boive, qu’il bataille et qu’il pille, subordonne pourtant cette existence, où sa lourde chair s’enfonce, à l’idée plus ou moins présente, mais rarement effacée, du ciel et de l’enfer. […] Mais, en même temps, cette époque singulière lui plaît et le retient par le spectacle des plus violentes passions que l’humanité ait éprouvées, par la puissance de sa vie tour à tour fouettée d’appétits grossiers et pendue à l’invisible, par l’aspect infiniment pittoresque de son existence extérieure, par son art maladif et grandiose à qui l’obsession du surnaturel a donné quelque chose de disproportionné et de sublime.