/ 1653
12. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

Cette constatation de fait, l’existence du mal moral, est inconciliable, on le répète, avec l’hypothèse d’un libre arbitre. […] Mais cette nouvelle conception, comme on va le voir, est aussi destructrice que la précédente de l’hypothèse d’un libre arbitre : car elle ne laisse non plus aucune place à l’existence du mal moral, en sorte que l’existence du mal moral, que les moralistes accordent, la détruit. […] C’est ainsi que jusqu’à leur dernier souffle ils continuent de se concevoir autres qu’ils ne sont, comme si c’était là la condition même de leur existence. […] Dupe de ce mirage, l’homme s’ingénie et le souci constant de rendre son existence meilleure le conduit à créer les sciences. […] Or à considérer dans son détail le jeu de cette illusion qui réussit à se faire agréer, il apparaît que l’homme de toutes les époques se montre préoccupé à la fois d’améliorer sa vie immédiate, son bien-être terrestre et de s’assurer, par-delà cette première existence, un bonheur plus parfait et plus durable en une seconde existence qu’il imagine.

/ 1653