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2242. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

Des siècles et des siècles de routine héritée, de doctrine formelle et vide, de tyrannie et de soumission intellectuelle, de suffisance imperturbable et de docilité inepte, d’entêtement orgueilleux et féroce dans le faux, de profonde inintelligence des choses, consacrée et précieusement transmise en immuables formules ; bref, toute l’énorme sottise humaine semblait chanter un hymne triomphal dans ce magnifique couplet où l’éternel Pédant se peint lui-même en louant l’éternel Disciple. « … Il n’a jamais eu l’imagination bien vive, ni ce feu d’esprit qu’on remarque dans quelques-uns ; mais c’est par là que j’ai toujours bien auguré de sa judiciaire… Il est ferme dans la dispute, fort comme un Turc sur ses principes, ne démord jamais de son opinion… Mais sur toute chose ce qui me plaît en lui, et en quoi il suit mon exemple, c’est qu’il s’attache aveuglément aux opinions de nos anciens, et que jamais il n’a voulu comprendre ni écouter les raisons et les expériences des prétendues découvertes de notre siècle touchant la circulation du sang et autres opinions de même farine. » Cette page (relisez-la tout entière, je vous prie) est assurément une de celles qui donnent la plus haute idée de l’esprit de Molière. […] L’élément que la femme apporte se compose d’un idéal renversé, d’une dignité faible, d’une morale élastique, d’une imagination troublée par les mauvaises conversations, les mauvaises lectures et les mauvais exemples, de la curiosité de la sensation, déguisée sous le nom de sentiment, de la soif du danger, du plaisir de la ruse, du besoin de la chute, du vertige d’en bas et de toutes les duplicités que nécessitent les circonstances. […] Je ne pense pas qu’on ait vu, depuis quelque vingt années, un plus impertinent ni plus irritant exemple d’intolérance jacobine.

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