Après l’avoir tout d’abord énervé et tendu, elle amenait une torpeur hantée de songeries vagues ; elle annihilait ses desseins, brisait ses volontés, guidait un défilé de rêves qu’il subissait passivement, sans même essayer de s’y soustraire. » Après un repos de courte durée, la maladie reprend son cours, ramenant d’anciens accidents qu’une vie plus réglée, plus calme, avait lentement fait disparaître. […] Pendant cette singulière maladie qui ravage les races à bout de sang, de soudaines accalmies succèdent aux crises. » La liste est longue, des traitements suivis : hydrothérapie, suppression des alcools, du café et du thé, régime lacté, promenades et exercice, assa fœtida, valériane et quinine, sans compter l’emploi d’une thérapeutique morale où « il essaya des lectures émollientes, tenta, en vue de se réfrigérer le cerveau, des solanées de l’art, lut ces livres si charmants pour les convalescents et les mal à l’aise… les romans de Dickens ». […] Le premier semble avoir renoncé bien vite à ses tentatives : « Qu’il ait essayé une ou deux fois du haschisch55 comme expérience physiologique, cela est possible et même probable ; mais il n’en a pas fait un usage continu… Il ne vint que rarement et en simple observateur aux séances de l’hôtel Pimodan, où notre cercle se réunissait pour prendre le “Dawamesk”, séances que nous avons décrites autrefois dans la Revue des Deux-Mondes, sous ce titre “le Club des Haschischins” en y mêlant le récit de nos propres hallucinations ». […] Catulle Mendès fut plus indulgent ; il a conservé de ses expériences d’antan d’ingénieux souvenirs, comme celui qu’il a bien voulu lui-même nous détailler et qui indique très nettement le désir d’analyse poursuivant l’artiste : alors que, de concert avec Villiers de l’Isle-Adam, il s’essayait aux « Paradis artificiels », une vision obsédante, identique à elle-même, le hantait tous les soirs : dans une forêt dense et pourtant lumineuse, des arbres sans feuillage dressaient d’un seul jet leurs troncs cylindriques luisant comme de l’or, le long desquels montaient et descendaient, alternativement, de grands singes couleur d’émeraude.