C’est un de ces esprits qui se tiennent sur la frontière de la littérature proprement dite et de la philologie, mais qui entrent également dans les deux pays. […] Quoique nous ne ressemblions guères aux hommes qui vivaient vers 1550 et que nous n’ayons pas dans nos chétives poitrines les gerbes de flamme qui brûlaient alors tous les esprits et tous les cœurs, nous sommes les enfants du xvie siècle bien plus qu’on ne le croit, de ce siècle de la discussion, de l’émancipation de l’esprit humain, de sa réaction indignée contre la tradition de l’autorité, toutes choses, hélas ! […] Dès qu’on a jeté les yeux sur cette période de notre histoire, le xvie siècle apparaît comme un coup mortel porté par l’effort des temps et des esprits au Christianisme et à l’austère et douce civilisation chrétienne, ou comme l’impuissance démontrée de les frapper mortellement l’un et l’autre avec des armes empruntées à l’Antiquité. […] Eh bien, Léon Feugère, qui est un homme d’esprit et un homme renseigné, a cependant, pour une raison qu’il sait mieux que nous, affecté, dans sa biographie d’Henri Estienne, une modération qui ressemble beaucoup au faux air de l’indifférence, et il a abandonné, pour les plus minces considérations littéraires, toutes les graves questions que la Renaissance et le xvie siècle ont soulevées et que voilà, après plus de deux siècles, pendantes et menaçantes encore ! […] Quand un écrivain comme Ambroise-Firmin Didot, qui pouvait mettre dans un écrit la plénitude et l’agrément sans lesquels toute l’érudition de la terre ne vaut pas une pincée de cendres de papyrus, ne produit, en réalité, qu’une œuvre d’érudition, maniable seulement aux savants et aux esprits spéciaux, tant elle est hérissée de citations et de textes, il court grand risque d’être traité, malgré le mérite de ses renseignements, comme le porc-épic de sa propre science… On n’y touchera pas !