On a beau savoir la cause physiologique de son erreur, appuyer son raisonnement sur le témoignage des personnes environnantes, vérifier au moyen de ses autres sens que le fantôme n’est qu’un fantôme, on continue à le voir. […] Tout cela est permis, et même commode. — Mais ici commence l’erreur ; on est dupé par les mêmes mots et de la même façon qu’à propos de la mémoire et de la perception extérieure ; comme il s’agit d’une connaissance, on veut absolument y trouver un acte de connaissance et un objet connu ; on se la figure comme le regard d’un œil intérieur appliqué sur un événement présent et interne, de même qu’on s’est figuré la mémoire comme le regard d’un œil intérieur appliqué sur un événement passé. […] Cet acte est vide ; d’où il arrive que nous l’estimons pur, simple, spirituel : l’erreur est justement celle où nous tombions tout à l’heure à propos de la perception extérieure et de la mémoire. — En somme, ici comme ailleurs, l’événement intérieur se réduit à la conception, représentation ou fantôme actuel intérieur ; la connaissance qu’il est tel, c’est-à-dire actuel, interne et fantôme, n’est pas autre que la rectification ou négation par laquelle il est exclu du dehors, du futur et du passé.