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964. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

Les anecdotes trop peu connues l’effarouchent, les documents vierges l’effrayent : une histoire, comme nous la comprenons du xviiie  siècle, développée à travers une longue série de lettres autographes et de pièces inédites servant à mettre en montre tous les côtés du siècle : une histoire, neuve, originale, sortant de la forme générale des histoires ordinaires, ne nous rapportera pas le vingtième d’une grosse compilation, où nous aurons à patauger des pages entières dans du connu et du ressassé. […] Des métaphores on passe aux assonances, — une assonance, au dire de Flaubert, devant être évitée, quand même on devrait passer huit jours entiers à y arriver. […] Lundi 18 mai La Brasserie des Martyrs, une taverne et une caverne de tous les grands hommes sans nom, de tous les bohèmes du petit journalisme, d’un monde d’impuissants et de malhonnêtes, tout entiers à se carotter les uns aux autres un écu neuf ou une vieille idée… À propos d’un duel né là, le commissaire de police du quartier disait à Busquet ; « Comment, ce monsieur se bat avec cet homme ! […] Là, le vieux père Maire, servait lui-même en personne, et dans de la vraie argenterie, aux gens dont il estimait le goût culinaire, servait un haricot de mouton aux morilles, un macaroni aux truffes inénarrable : le tout arrosé de plusieurs bouteilles de ces jolis petits bourgognes, venant de la cave du roi Louis-Philippe, dont il avait acheté la cave presque tout entière. […] Notre pensée vivant au-dessus des choses bourgeoises, a de la peine à descendre au terre-à-terre de la pensée ordinaire, tout entière alimentée par les basses réalités de la vie et la matérialité des événements journaliers.

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