Et pour ce qui est de la Didon de Virgile en particulier, à laquelle tout ceci a trait et se rapporte, on se rend mieux compte alors de ces qualités souveraines qui assurent la vie aux œuvres de l’art dans les époques d’entière culture, à savoir, la composition, l’unité d’intérêt et un achèvement heureux de l’ensemble et des parties. […] Il semble que le poëte, arrivé à cet endroit de son œuvre, se soit dit que cette passion amoureuse était la seule nouveauté qu’Homère lui eût laissée entière dans le domaine épique, et il s’y est appliqué avec charme, avec bonheur. […] On n’entendait plus le hurlement des chiens à travers la ville, ni aucun bruit de loin retentissant : le silence occupait l’obscurité tout entière. […] Dans la célèbre pièce de la Magicienne, la Simétha de Théocrite ne s’exprime pas autrement lorsqu’elle veut rendre l’effet soudain que lui fit le beau Delphis, le jour qu’en allant à la fête elle le vit sortir tout brillant et tout luisant du gymnase : « Je le vis, et du coup je devins folle, et mon cœur fut attaqué tout entier, malheureuse ! […] En attendant, elle n’eut rien de plus pressé que de tirer de sa ceinture odorante l’herbe magique, qu’il reçut de sa main avec joie ; et certes, puisant son âme tout entière dans sa poitrine, elle la lui aurait livrée au besoin avec le même transport, tant l’amour en ce moment lançait d’aimables éclairs de la blonde tête du fils d’Éson !