Pope s’y emploie tout entier ; il est de loisir ; son père lui a laissé une assez belle fortune, il a gagné une grosse somme à traduire l’Iliade et l’Odyssée ; il a huit cents livres sterling de rente. […] Swift lui reproche de n’avoir jamais de loisir pour la conversation ; la cause en est « qu’il a toujours en tête quelque projet poétique. » Ainsi rien ne lui manque pour atteindre l’expression parfaite : la pratique d’une vie entière, l’étude de tous les modèles, l’indépendance de la fortune, la compagnie des gens du monde, l’exemption des passions turbulentes, l’absence des idées maîtresses, la facilité d’un enfant prodige, l’assiduité d’un vieux lettré. […] C’est tantôt une image heureuse qui résume une phrase entière ; tantôt une série de vers où vont s’alignant les oppositions symétriques ; ce sont deux mots ordinaires qu’un étrange accouplement met en relief ; c’est un rhythme imitatif qui complète l’impression de l’esprit par l’émotion des sens ; ce sont les comparaisons les plus élégantes, les épithètes les plus pittoresques ; c’est le style le plus serré et le plus orné. […] Notez encore que ce poëme est tout entier écrit en style de prose, avec un âpre bon sens et une franchise médicale que les plus crues des abominations n’effarouchent pas1126.