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957. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Alfred de Vigny »

Il s’est abstenu avec un chaste respect de jouer sur la viole du Sentiment les grands airs trop connus que la Vulgarité aime à y jouer en l’honneur du génie mort, assez heureux pour ne pas l’entendre. […] Tout ce qui est chétiveté d’amour-propre, banalité de pose, convention bête de vanités qui s’entendent comme larrons en foire, grosse manière de se faire valoir, était dédaigné par cet homme d’une distinction suprême et calme, à qui les tambourinades des gloires contemporaines avaient fait aimer le silence ; qui a vécu comme il a pensé, et qui n’avait pas deux manières d’être, comme tant de poètes, grands dans leurs vers, petits dans leur vie ! […] Dans ce portrait dont il est question, son front, qui surplombe un visage tranquillement triste, jette l’ombre de sa voûte puissante à ces yeux rêveurs qui cherchent involontairement le ciel, mais qui, dans la réalité, revenaient se tourner vers les vôtres avec des airs fins et spirituels comme nous entendons le regard, nous autres polissons de la terre !

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