., ne sont entendus que par une poignée de gens ; le littérateur, l’orateur s’adressent à l’univers354. » — Sous une pression si forte, il faut bien que l’esprit prenne le tour oratoire et littéraire, et s’accommode aux exigences, aux convenances, aux goûts, au degré d’attention et d’instruction de son public. […] Cela est plus commode pour l’attention paresseuse ; il n’y a que les termes généraux de la conversation pour réveiller à l’instant les idées courantes et communes ; tout homme les entend par cela seul qu’il est du salon ; au contraire, des termes particuliers demanderaient un effort de mémoire ou d’imagination ; si, à propos des sauvages ou des anciens Francs, je dis « la hache de guerre », tous comprennent du premier coup ; si je dis « le tomahawk », ou « la francisque », plusieurs supposeront que je parle teuton ou iroquois360. […] Obligé de s’accommoder à ses auditeurs, c’est-à-dire à des gens du monde qui ne sont point spéciaux et qui sont difficiles, il a dû porter à la perfection l’art de se faire écouter et de se faire entendre, c’est-à-dire l’art de composer et d’écrire Avec une industrie délicate et des précautions multipliées, il conduit ses lecteurs par un escalier d’idées doux et rectiligne, de degré en degré, sans omettre une seule marche, en commençant par la plus basse et ainsi de suite jusqu’à la plus haute, de façon qu’ils puissent toujours aller d’un pas égal et suivi, avec la sécurité et l’agrément d’une promenade. […] Jamais on n’entend le cri involontaire de la sensation vive, la confidence solitaire de l’âme trop pleine370 qui ne parle que pour se décharger et s’épancher.