/ 3159
13. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VIII. De la clarté et des termes techniques »

La propriété du langage n’est plus absolue alors : elle est relative ; le mot propre est celui qui éveille le mieux dans l’esprit du lecteur l’idée de l’objet que l’écrivain veut désigner, et un à peu près que tout le monde entend, vaut mieux alors qu’un terme exact, que nul ne saisit. […] Un philosophe écrivant pour des philosophes, un archéologue écrivant pour des archéologues, un savant écrivant pour des savants, n’ont qu’à appliquer aux choses les termes techniques de leur science spéciale : ils ne veulent pas être compris de tout le monde, et il leur suffit d’être entendus de ceux qui connaissent ces vocabulaires particuliers, et plus ils mettront de rigueur dans cet emploi des mots techniques, plus ils préciseront leur pensée et éclairciront leur sujet. […] Il n’importe que le médecin ne comprenne pas un traité de métallurgie, que l’architecte n’entende rien à un traité de médecine, et que les termes de métallurgie, de médecine et d’architecture soient du grec pour l’homme du monde. […] Comme Ronsard disait que, pour lire sa Franciade, il fallait être Grec et Latin, de même, par l’abus des mots spéciaux, il faut être charpentier, mineur, ou maçon, pour entendre certains chapitres de romans contemporains. […] Pascal a su faire entendre les plus fines subtilités de la théologie à des gens du monde, ignorants de la théologie, et qu’aurait épouvantés la barbarie de la langue théologique.

/ 3159