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26. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

Le grand feu du canon favorisa le passage et ébranla si fort les ennemis, qu’ils se retirèrent en désordre, et portèrent à Montbas (commandant d’un corps hollandais), qui était avec le gros de ses troupes dans son camp, au-dessous de Tolhus, la triste nouvelle du passage forcé et de l’entrée de mes troupes dans le Betau. […] Le prince ne songea d’abord qu’à mettre ce qu’il y avait de cavalerie passée en bataille, afin de marcher ensuite avec un corps réglé aux ennemis, ou pour les combattre, ou du moins pour les inquiéter dans leur retraite. […] Survient l’incident fâcheux, l’emportement des jeunes gens « de la première qualité de France » qui, au moment où le prince de Condé s’approche des retranchements des ennemis pour accélérer leur retraite, se jettent en avant et les forcent à plus de résistance qu’ils n’en comptaient faire : « Tous ces volontaires, la plupart jeunes gens désireux de se distinguer à ma vue, et de mériter mon estime et celle du plus grand capitaine de l’Europe qui était à leur tête, donnèrent d’abord beaucoup d’occupation au prince de Condé pour les retenir ; mais enfin le duc d’Enghien et le duc de Longueville lui échappèrent et voulurent forcer une barrière pour, joindre les ennemis. […] Connaît-on beaucoup de conquérants qui aient ainsi rendu justice et hommage, en pleine guerre, aux mesures désespérées de leurs ennemis et à l’exaspération de leur patriotisme : « Mais que ne fait-on point pour se soustraire d’une domination étrangère !  […] Je connais cette rivière ; elle est très difficile à passer : il y a des places qu’on peut rendre bonnes ; je compterais aller à Péronne ou à Saint-Quentin, y ramasser tout ce que j’aurais de troupes, faire un dernier effort avec vous, et périr ensemble ou sauver l’État ; car je ne consentirai jamais à laisser approcher l’ennemi de ma capitale » ; celui qui dira cette parole est bien le même qui, quarante ans auparavant, a honoré et loué les Hollandais d’avoir tout fait pour lui fermer l’accès d’Amsterdam.

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