La duchesse du Maine, aussi bien que ses sœurs, était presque naine ; elle qui était une des plus grandes de la famille, elle ne paraissait pas plus qu’un enfant de dix ans. […] Mlle de Launay nous initie, d’ailleurs, à la suite des caprices, des ambitions et des jeux de cette enfant gâtée, spirituelle et absolue. […] La duchesse du Maine, à cette seconde époque de Sceaux, avait à la tête de ceux qu’elle appelait ses bergers le spirituel marquis de Sainte-Aulaire, qui fit pour elle son célèbre quatrain, et qui n’avait guère moins de quatre-vingt-dix ans : cela rajeunissait singulièrement la duchesse de s’être donné un si vieux berger ; elle ne paraissait plus qu’une enfant auprès de lui. […] Vous verrez cette enfant gâtée de soixante ans et plus, à qui l’expérience n’a rien appris, car l’expérience suppose une réflexion et un retour sur soi-même ; vous la verrez jusqu’à la fin appeler la foule et la presse autour d’elle ; et à ceux qui s’en étonnent elle répondra : « J’ai le malheur de ne pouvoir me passer des choses dont je n’ai que faire. » Il faut que chaque chambre de ce palais d’Armide soit remplie, n’importe comment et par qui ; on y craint, avant tout, le vide : Le désir d’être entourée augmente de jour en jour, écrivait Mme de Staal (de Launay) à Mme Du Deffand, et je prévois que, si vous tenez un appartement sans l’occuper, on aura grand regret à ce que vous ferez perdre, quoi que ce puisse être. […] C’est une pièce de physiologie morale des plus fines ; j’en donnerai les principaux traits : Mme la duchesse du Maine, à l’âge de soixante ans, n’a encore rien acquis par l’expérience ; c’est un enfant de beaucoup d’esprit ; elle en a les défauts et les agréments.