L’empire de ce monde est à la force. […] Se contraindre et se pourvoir, prendre l’empire de soi et l’empire de la nature, considérer la vie en moraliste et en économiste, comme un habit étroit dans lequel il faut marcher décemment, et comme un bon habit qu’il faut avoir le meilleur possible, être à la fois respectable et muni de bien-être, ces deux mots renferment tous les ressorts de l’action anglaise. […] Cherchez maintenant dans les statistiques combien de lieues d’étoffes ils fabriquent chaque année, combien de millions de tonnes ils exportent et importent, combien de milliards ils produisent et consomment ; ajoutez-y les empires industriels ou commerciaux qu’ils ont fondés où qu’ils fondent en Amérique, en Chine, dans l’Inde, en Australie, et peut-être alors, en comptant les hommes et les valeurs, en calculant que leur capital est sept ou huit fois plus grand que celui de la France, que leur population a doublé depuis cinquante ans, que leurs colonies, partout où le climat est sain, deviennent de nouvelles Angleterre, vous atteindrez quelque idée bien sèche, bien imparfaite, d’une œuvre dont les yeux seuls peuvent mesurer la grandeur. […] C’est de cela qu’on lui parle dans les églises, en style grave et froid, avec une suite de raisonnements sensés et solides : comment un homme doit réfléchir sur ses devoirs, les noter un à un dans son esprit, se faire des principes, avoir une sorte de code intérieur librement consenti et fermement arrêté, auquel il rapporte toutes ses actions sans biaiser ni balancer ; comment ces principes peuvent s’enraciner par la pratique ; comment l’examen incessant, l’effort personnel, le redressement continu de soi-même par soi-même doivent asseoir lentement notre volonté dans la droiture : ce sont là les questions qui, avec une multitude d’exemples, de preuves, d’appels à l’expérience journalière1331, reviennent dans toutes les chaires, pour développer dans l’homme la réforme volontaire, la surveillance et l’empire de soi-même, l’habitude de se contraindre, et une sorte de stoïcisme moderne presque aussi noble que l’ancien.