Quant aux sept figuiers, ils nous restaient tous les sept comme des arbres domestiques ; on n’avait pas pu nous en déposséder, parce que leurs racines étaient sous les murs de la maison ; c’était une bonne récolte qui n’était pas à dédaigner dans les années où la fleur des châtaigniers aurait gelé sous le givre ; les figues, séchées sur le toit dans les saisons chaudes, pouvaient bien remplir quatre sacs bien tassés ; c’était quasi de quoi nous empêcher de mourir de faim, en les faisant gonfler et cuire dans le lait des chèvres. […] Comme Jephté, dans la Bible, monsieur, qu’on dit qui alla se pleurer elle-même sur les collines, nous ne pûmes nous empêcher de nous pleurer nous tous : Fior d’Aliza, sur son beau pré vert et sur les bords fleuris de son bassin au bord de la grotte, dont elle aimait tant la chute de la source, gaie et triste, dans le bassin ; Hyeronimo, sur ses tiges presque mûres de maïs, dont il embrassait des lèvres les plus belles quenouilles en leur disant adieu dans sa pensée ; Magdalena, dans la plantation des mûriers dont les feuilles ne gonfleraient plus son tablier pour les rapporter à ses petites bêtes fileuses comme elle ; moi, sous le châtaignier qu’on nous avait coupé en quatre sur le papier, dont nous n’aurions plus que l’ombre d’un côté, et ce que l’automne fait tomber par charité sur notre herbe, et dont je n’aurais pas même une branche en toute propriété, à moi, pour m’y tailler une bière ! XCII Les bêtes ne comprenaient pas pourquoi nous les retenions à côté de nous par les cornes ou par la laine, et pourquoi nous les empêchions de s’aller repaître, comme à l’ordinaire, dans le bois, dans l’herbe, sous les mûriers, dans les allées gazonnées de la vigne.