Ce qu’on peut dire au point de vue du talent, c’est que tous ces retards, ces contrariétés qui barrèrent si longuement sa carrière, furent utiles à Malherbe : elles l’empêchèrent de se classer décidément comme poète avant l’heure voulue, et de débuter trop en public dans un temps où il aurait encore porté des restes de couleur de l’école poétique finissante. […] Les quatre stances où il a paraphrasé une partie du psaume cxlv sont parfaites : N’espérons plus, mon âme, aux promesses du monde ; Sa lumière est un verre, et sa faveur une onde Que toujours quelque vent empêche de calmer. […] S’il dit les choses avec moins de particularité qu’Horace, il ne les rend pas avec moins de naturel ; car, en admettant que (les derniers vers exceptés) il n’y ait point d’ironie proprement dite dans le courant de l’ode d’Horace, on ne peut s’empêcher de remarquer qu’Alfius, ce soudain amateur des champs, se complaît fort, au milieu de son vœu frugal, à nommer les huîtres et les poissons du lac Lucrin, auxquels il déclare renoncer ; il y parle en détail des mets rares, des gelinottes, faisans ou autres oiseaux recherchés, auxquels il se promet désormais de préférer la mauve et l’olive.