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263. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

Dès son premier ouvrage, le caractère de Lesage se dessine à merveille ; c’est du La Bruyère en scène et en action, sans trace d’effort. […] Mais il ne mérite cet éloge que tout à la fin, et cela nous encourage ; nous sentons, en le lisant, que nous pouvons, sans trop d’effort et de présomption, arriver un jour comme lui. […] Il a en aversion les bureaux d’esprit, tels que l’était en son temps le salon de la marquise de Lambert, et, sans parler de sa surdité qui le gêne, il a ses raisons pour cela : On n’y regarde la meilleure comédie ou le roman le plus ingénieux et le plus égayé, remarque-t-il (non sans un petit retour sur lui-même), que comme une faible production qui ne mérite aucune louange ; au lieu que le moindre ouvrage sérieux, une ode, une églogue, un sonnet, y passe pour le plus grand effort de l’esprit humain. […] La mort remit bientôt Lesage à son rang, et celui qui n’avait rien été de son vivant, et de qui on ne parlait jamais sans mêler à l’éloge quelque petit mot de doléance et de regret, se trouve aujourd’hui classé sans effort dans la mémoire des hommes, à la suite des Lucien et des Térence, à côté des Fielding et des Goldsmith, au-dessous des Cervantes et des Molière.

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