Cependant sous cette immobilité voulue, sous ce règne paisible de l’ordre et de la discipline, contre lesquels Molière et La Fontaine sont à peu près les seuls à regimber parfois, le mouvement de la vie continue quand même ; la monarchie de droit divin est à son apogée ; mais l’apogée est toujours voisin du déclin ; l’Eglise catholique, son alliée, a infligé une cruelle défaite à ses adversaires ; mais toutes deux, par l’excès même de leur tyrannie, provoquent le réveil de l’esprit de liberté ; en matière littéraire aussi, quoique le joug y soit moins lourd à porter, l’époque suivante verra déjà des essais, tout au moins des velléités d’émancipation. […] L’action semble se passer n’importe où, n’importe quand, entre des âmes qui n’ont des corps que par une vieille habitude ; le décor est réduit au minimum ; la mise en scène est simplifiée à l’extrême ; l’extérieur des personnages n’est pas ce qui doit intéresser, leur vie interne a seule droit à l’attention ; et encore dans la peinture de leurs pensées et de leurs sentiments ne veut-on exprimer par des formules définitives que l’essence de la nature humaine. […] Ainsi, dans l’époque que nous avons résumée plus haut, la poésie dramatique et la littérature religieuse me paraissent avoir droit aux deux premiers rangs, et ce rapprochement seul de deux genres qui se ressemblent si peu, qui sont même, à certains égards, en pleine opposition, fait comprendre à merveille cette société catholique et mondaine qui voltige avec aisance du théâtre au sermon et se partage entre l’Église et les plaisirs du siècle.