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430. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

  Le poème Notons tout de suite un fait essentiel : c’est qu’il existe deux versions du poème dramatique nommé aujourd’hui Der Ring des Niebelungen (l’Anneau du Nibelung). […] Et c’est sa malédiction de l’amour, c’est la puissance de ce renoncement, qui donne plus tard à la malédiction qu’il attache à l’anneau qu’on lui dérobe la force dramatique et vivante93. — Pour faire voir comment Wagner — sans changer beaucoup le cours apparent de la fable — introduit partout ce conflit entre l’Or et l’Amour, je citerai le cas des Géants. […] Nous le voyons, par exemple, jeter sur le papier — quand on le lui demande — des thèmes musicaux qui n’acquièrent leur plein développement qu’un quart de siècle plus tard, lorsque les circonstances lui permettent de faire la partition. — Je crois que pour Wagner le poème était — pour ainsi dire — une chose bien plus fortuite que la musique ; celle-ci, au contraire, était nécessaire, elle ne pouvait être autrement, elle répondait à un ordre de vérité plus vague dans un certain sens et pour lequel la fable dramatique pouvait en conséquence varier, mais de vérité plus profonde dans sa généralité, plus certaine, plus absolue. […] Mais pour les œuvres de la maturité de Wagner il y a cette difficulté spéciale, c’est que ce sont bien des drames, mais que ces drames s’éloignent à tel point de notre théâtre moderne et de toutes les idées généralement reçues sur l’art dramatique, que les éléments nécessaires à leur réalisation scénique font défaut.

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