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1164. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

encore qu’ils aient été si souvent déshonorés, soit par une simulation intéressée, soit par une forme banale de Jeux floraux, et que trop de jeunes filles ou de vieux messieurs se soient figuré que, pour écrire des vers lamartiniens, il suffisait d’avoir une belle âme  Tout ce que l’âme humaine a conçu de plus pur à travers les âges, la fleur de spiritualité des plus nobles races et des plus beaux siècles, le monothéisme dramatique, passionné — et majestueux — de la poésie juive ; le rêve que faisait Platon d’un monde harmonieux par l’Idée, où les divers ordres de réalités sont assimilables à des ombres et à des reflets gradués de la pensée divine et, parallèlement, le rêve de l’ascension naturelle de l’âme par l’amour ; le mysticisme amoureux de Dante et de Pétrarque ; la grâce fluide et épurée, la piété soupirante et le semi-molinisme si tendre de Fénelon, et sa sensualité d’ange ; les cantiques de Jean Racine, d’un si grand charme de virginité, avec ce lyrisme d’on ne sait quels célestes « catéchismes de persévérance » ; même l’onction lentement murmurante de l’Imitation de Jésus-Christ, et même, d’autre part, ce que l’élégante poésie érotique du siècle dernier avait, çà et là, de plus léger, de plus fuyant et de moins charnel, tout cela, en vérité, se retrouve, se confond, s’achève et s’épanouit dans la poésie lumineuse et ailée d’Alphonse de Lamartine.

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