Le retour de ma santé ; les bontés que j’ai éprouvées de tout le monde ; ce bonheur, si indépendant de tout mérite, mais si commode et si doux, d’inspirer de l’intérêt à tous ceux dont je me suis occupé ; quelques avantages réels et positifs76 ; les espérances les mieux fondées et les plus avouées par la raison la plus sévère ; le bonheur public (on était alors sous le ministère Turgot), et celui de quelques personnes à qui je ne suis ni inconnu ni indifférent ; le souvenir tendre de mes anciens amis ; le charme d’une amitié nouvelle, mais solide, avec un des hommes les plus vertueux du royaume, plein d’esprit, de talent et de simplicité, M. […] Les douces paroles ne sont pas si fréquentes sous la plume de Chamfort, et les sentiments indulgents n’habitent pas si volontiers dans son cœur, qu’on doive négliger de les relever quand on les rencontre. […] Le genre admis, il y a de la simplicité, et l’on s’est accordé à y louer un style pur et des sentiments doux, ce qui est assez singulier dans une tragédie et chez un auteur tel que Chamfort : il réservait toute sa douceur pour ses tragédies. […] Je cherche, dans les Pensées de Chamfort, à en extraire quelques-unes qui soient d’une nature plus douce, plus conforme à ce sentiment simple, et qui aient de la tristesse sans trop d’âcreté : Je demandais à M… (ce M… c’est lui) pourquoi, en se condamnant à l’obscurité, il se dérobait au bien qu’on pouvait lui faire : « Les hommes, me dit-il, ne peuvent rien faire pour moi qui vaille leur oubli. » Que peuvent pour moi les grands et les princes ? […] M. de Lassay, homme très doux, mais qui avait une grande connaissance de la société, disait qu’il faudrait avaler un crapaud tous les matins, pour ne trouver plus rien de dégoûtant le reste de la journée, quand on devait la passer dans le monde.