Qu’il est doux, pendant que la brise tiède en chuchotant nous caresse de son souffle, — appuyés sur des couches d’amarante et de moly1521, — nos calmes paupières à demi baissées, — sous les voûtes sacrées du ciel sombre, — de suivre la longue rivière brillante qui traîne lentement — ses eaux en quittant la colline empourprée ; — d’entendre les échos humides qui s’appellent — de caverne en caverne à travers les épaisses vignes entrelacées ; — d’entendre les eaux qui tombent avec des teintes d’émeraude, — à travers les guirlandes tressées de l’acanthe divine ; — entendre et voir seulement dans le lointain la vague étincelante ; — rien que l’entendre serait doux ; — rien que l’entendre et sommeiller sous les pins1522. […] Il vivait à la campagne, principalement dans l’île de Wight, parmi des livres et des fleurs, à l’abri des tracasseries, des rivalités et des assujettissements du monde, et l’on imaginait volontiers sa vie comme un beau songe, aussi doux que ceux qu’il nous avait donnés. […] Les choses réelles sont grossières, et toujours laides par quelque endroit ; à tout le moins, elles sont pesantes ; nous ne les manions pas à notre gré, elles oppriment l’imagination ; au fond, il n’y a de vraiment doux et de vraiment beau dans notre vie que nos rêves. […] Il est doux de sortir de notre civilisation savante, de remonter vers l’âge et les mœurs primitives, d’écouter le paisible discours qui coule abondamment et lentement comme un fleuve sur une pente unie. […] Il leur a fait mettre leurs mains dans les siennes, jurer de respecter leur roi comme s’il était leur conscience, et leur conscience comme si elle était leur roi ; de ne point dire de calomnie et de n’en point écouter ; de passer leur douce vie dans la plus pure chasteté ; de n’aimer qu’une jeune fille, de s’attacher à elle ; de lui offrir pour culte des années de nobles actions. » Il y a une sorte de plaisir raffiné à manier un pareil monde ; car il n’y en a point où puissent naître de plus pures et de plus touchantes fleurs.