Si l’on avait dit à Voltaire qu’au dix-neuvième siècle, en France, le plus grand maître de la critique et du goût admirerait les froides plaisanteries des musiciens dans une salle voisine du lit où expire la fiancée de Roméo, parce que ces spectacles d’indifférence et de désespoir, si rapprochés l’un de l’autre, en disent plus sur le néant de la vie que la pompe uniforme de nos douleurs théâtrales366… « Ah ! […] Le fer heurte le fer ; Dans la main du guerrier l’arme tue ou se brise ; Ferme au poste, et taisant sa douleur qu’il maîtrise, Le blessé ne fuit pas, il lutte ; et quand la mort, À son rang, par devant le frappe, il lutte encor. […] Niobé, au milieu de ses Biles expirantes sous les flèches vengeresses de Diane, montre encore sur son visage où paraît une secrète et profonde douleur, l’inaltérable sérénité de la beauté plastique409. […] Mais j’ai cru qu’il fallait en user de la sorte avec vous, et que c’est consoler un philosophe que de lui justifier ses larmes, et de mettre sa douleur en liberté. Si je n’ai pas trouvé d’assez fortes raisons pour affranchir votre tendresse des sévères leçons de la philosophie, et pour vous obliger à pleurer sans contrainte, il en faut accuser le peu d’éloquence d’un homme qui ne saurait persuader ce qu’il sait si bien faire. » Enfin Molière était malade, et dans son fait à l’égard des médecins et de la médecine, il y avait quelque chose de pareil à la révolte amère du malheureux contre le ciel, une bravade douloureuse d’incrédulité : Votre plus haut savoir n’est que pure chimère, Vains et peu sages médecins ; Vous ne pouvez guérir par vos grands mots latins La douleur qui me désespère.