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315. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre IV. Conclusions » pp. 183-231

Ce n’est pas la masse, c’est un individu qui crée le Parthénon, la Divine Comédie, et la Marseillaise ; c’est un individu qui trouve la formule d’un monde nouveau, formule absolument vraie pour lui qui l’a tirée de ses entrailles, et suffisamment vraie pour plusieurs générations ; et c’est un autre individu qui brise la formule vieillie, pour délivrer son âme et celle de ses frères de douleur. […] Pour cela, il faut qu’il ait vécu avec une intensité particulière la vie de son peuple, l’espérance et la douleur de son époque ; il est l’aboutissant d’une infinité d’expériences personnelles ; la masse demeurerait inerte et muette s’il ne parlait et n’agissait pour elle, mais sa parole à lui ne serait que vanité si son amour n’avait pas deviné la masse. […] Il faut que les hommes de son temps, résumé de tous les hommes disparus, le remplissent en quelque sorte de leurs idées, de leurs sentiments, de leurs joies, de leurs angoisses ; il faut qu’il porte en lui, comme un héritage sacré, le cœur inquiet de l’humanité, Mais pour donner une forme à ce monde toujours changeant, il faut qu’il le passe au creuset de sa propre douleur. […] Créature périssable, soumise aux innombrables contingences de son temps, l’artiste pénètre en martyr volontaire jusqu’au fond de sa douleur ; il y trouve l’humaine fraternité.

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