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1460. (1895) Hommes et livres

C’était un dimanche, et les sons de l’orgue unis aux chants, calmèrent un peu ma douleur. […] C’est en vertu du même réalisme intransigeant, que d’Aubignac, ce prétendu pédant confit en Aristote, purge la tragédie de poésie lyrique : et, forcé de convenir que le vers tragique équivaut à la prose de la conversation réelle, il proscrit rigoureusement les stances comme invraisemblables, à moins, ajoute-t-il par un curieux scrupule, qu’elles ne soient données pour stances, et que le héros n’ait eu, en effet, le temps et le goût de mettre sa douleur en vers. […] On peut même encore trouver dans les articles 41 et 45 cités plus haut la raison logique de ce qu’il y a d’étalage un peu emphatique et surabondant dans la douleur de Chimène. […] On peut dire qu’il a pris l’Espagne comme un instrument : puisque les Italiens ne peuvent se délivrer d’esclavage, il utilise la monarchie de Philippe V, l’ambition maternelle de la Farnèse : dans la douleur de son désastre, il voit qu’« il n’y aura plus ni repos ni sûreté pour ce pauvre pays ». […] Elle ne peut pas se les redonner ; mais elle peut se rappeler qu’elle les a eues ; elle a senti une douleur, elle ne se rend point cette douleur, mais elle sent qu’elle l’a eue : c’est-à-dire qu’elle se remet autant qu’il est en elle dans l’état de la sensation… Une idée n’est donc qu’un sentiment que l’on a à l’occasion d’une sensation qu’on a eue, une situation présente à l’occasion d’une situation passée.

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