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1289. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

Elle lui donnait les meilleurs conseils pour son Holstein ; c’est même par là qu’elle fit son premier apprentissage en politique, traitant les affaires de ce petit État avec l’ambassadeur de Vienne qui était à Pétersbourg et qui disait au grand-duc : « Votre femme a raison ; vous feriez bien de l’écouter. » Il suivit le conseil et n’eut pas à s’en repentir. […] Comme le cabinet était fort petit, hormis Léon Narichkine, sa belle-soeur et moi, personne ne vit cela ; mais le comte Horn ne fut pas trompé, et tandis que je traversais les appartements pour revenir dans la salle, le comte Horn tira le compte Poniatowsky par l’habit et lui dit : “Mon ami, il n’y a rien d’aussi terrible qu’un petit chien de Bologne ; la première chose que j’ai toujours faite avec les femmes que j’ai aimées, c’est de leur en donner un, et c’est par eux que j’ai toujours reconnu s’il y avait quelqu’un de plus favorisé que moi”. » Je passe sur bien des gaietés et des espiègleries. […] Quand il nous vit, il voulut nous esquiver, mais nous lui donnâmes tant de coups avec nos verges et nos orties qu’il en eut les mains, les jambes et le visage enflés pendant deux ou trois jours, de telle façon qu’il ne put pas aller le lendemain à Péterhof avec nous au jour de Cour, mais fut obligé de rester dans sa chambre. Il n’eut garde non plus de se vanter de ce qui venait de lui arriver, parce que nous l’assurâmes qu’à la moindre impolitesse ou matière qu’il nous donnerait à nous plaindre de lui, nous renouvellerions la même opération, voyant qu’il n’y avait que ce moyen-là pour venir à bout de lui. […] Si j’avais compris, dès le commencement, qu’aimer un mari qui n’était pas aimable, ni ne se donnait aucune peine pour l’être, était une chose difficile, sinon impossible, au moins lui avais-je, et à ses intérêts, voué l’attachement le plus sincère qu’un ami, et même un serviteur, peut vouer à son ami et son maître ; mes conseils avaient toujours été les meilleurs dont j’avais pu m’aviser pour son bien ; s’il ne les suivait pas, ce n’était pas ma faute, mais celle de son jugement qui n’était ni sain ni juste.

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