Mais adieu ; trois de mes amis m’attendent ; nous devons discuter aujourd’hui la manière dont l’intelligence passe du moi au non-moi, et du subjectif à l’objectif. » Le pauvre disciple de Laromiguière, un peu confus et inquiet, monta à la bibliothèque de la Sorbonne, et pour se rassurer ouvrit le premier volume de son professeur. « Serait-il bien possible, disait-il, que la doctrine de mon cher maître renfermât de si étranges conséquences ? […] Ces passages et beaucoup d’autres semblables, tirés de Condillac lui-même, le consolèrent un peu : « Car enfin, se disait-il, il est clair que mes philosophes admettent toutes ces sages et honnêtes doctrines, non par pudeur, complaisance ou bonté de cœur, mais par démonstration. […] Cette probabilité, d’elle-même, deviendra certitude, et les pauvres gens, tout honteux de leur réputation nouvelle, baisseront le dos, laisseront passer l’orage et se tiendront cois, silencieux dans leur cachette, espérant que, dans cinquante ans peut-être, la doctrine des esprits les plus lucides, les plus méthodiques et les plus français qui aient honoré la France, cessera de passer pour une philosophie de niais ou d’hommes suspects. » Voilà le raisonnement que se fit mon vieux sensualiste.