Mais il la convoitait comme une chose anormale et difficile, parce qu’elie était noble, parce qu’elle était riche, parce qu’elle était dévote, — se figurant qu’elle avait des délicatesses de sentiment, rares comme ses dentelles, avec des amulettes sur la peau et des pudeurs dans la dépravation. » C’est ainsi, par des expansions et des contractions altérnées, modérant, contenant et précipitant le flux des syllabes, que Flaubert déclame la longue musique de son œuvre, en cadences mesurées. […] De ce triage perpétuel des mots et des choses, résulte la concision puissante, la haute et difficile portée de ce qu’exprime Flaubert ; de là ses descriptions écourtées, disjonctives et pourtant résumantes, sa psychologie, soit transmutée en magnifiques images, soit réduite en sobres indications d’actes, sous lesquelles certains esprits perçoivent ce qui est intime et d’ailleurs inexprimé ; de là le sentiment de formidable effort et d’absolue réussite parfois, que ces œuvres procurent, qui, ramassées, trapues, planies, parachevées et polies grain à grain, ressemblent à d’énormes cubes d’un miroitant granit. […] Et dans ces existences ; dont les menus faits décèlent perpétuellement en Flaubert une si profonde perception des mobiles, de leur complication, de la dissimulation des plus puissants, de toute la vie inconsciente qui rend chacun différent de ce qu’il se croit et de ce qu’on le croit être, Flaubert est parvenu à distinguer et à rendre le trait le plus difficile : la lente transformation que le temps impose à ceux qu’il détruit. […] Que l’incohérence résulte d’une concentration volontaire puis habituelle de l’effort d’exprimer successivement en une forme difficile chacune des pensées qui le traversent, ou qu’elle provienne chez l’aliéné — comme cela est probable d’une irrégularité de la circulation sanguine cérébrale, semblable à celle qui produit la fantaisie des rêves en d’autres termes que ce soit l’attention3 ou la maladie qui abaissent l’activité commune de l’encéphale, au profit de ses parties, le résultat est physiologiquement et psychologiquement le même.