On ne peut pas se lasser de les regarder ; on n’y voit qu’intelligence, sécurité, innocence, résignation à la destinée, amitié pour l’homme. […] Son père cependant ne le destinait pas à l’horlogerie, qui ne pouvait nourrir plus d’un monteur de boîtes de montre dans le petit bien de famille ; il l’envoya faire des études classiques dans une maison d’éducation économique à Porrentruy ; il voulait le préparer à la profession du commerce : le Suisse est, comme l’Arabe, guerrier, pasteur ou marchand. […] C’est d’abord, assis sur le même banc de rocher, à côté du poète, un jeune lazzarone de seize ans, qui se destine sans doute à la même profession, qui suit son maître comme l’ombre le corps, qui paraît fier de l’approcher de plus près que les autres, qui tourne sa tête de son côté, qui semble boire des yeux les vers et les sons, et qui contemple avec une admiration étonnée les merveilleuses inspirations du poète et du chanteur. […] En face du chanteur, deux belles jeunes filles de Procida ou de Mycènes sont debout, dans l’attitude et dans l’expression de l’attention, émues jusqu’aux larmes ; l’une regarde le poète comme s’il allait lui dire le secret de sa destinée amoureuse ; l’autre baisse les yeux et songe à je ne sais quoi de triste comme le récit. […] On va voir ce qu’il désirait au-delà de ce que le génie et la destinée lui permettaient d’atteindre.