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1029. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

Un des derniers numéros du Bulletin du bibliophile (janvier et février 1854) contient une analyse complète et détaillée, qu’a faite M. le vicomte de Gaillon, du poème de d’Aubigné, Les Tragiques, poème si dur à lire d’un bout à l’autre et dont on ne cite d’ordinaire que des fragments. […] D’Aubigné voyait dans ce dévouement et cette vaillance une preuve du bon droit : « Il arrive peu souvent, pensait-il, que l’injustice ait les meilleures épées de son côté, parce que c’est la conscience qui émeut la noblesse et la porte aux extraordinaires dépenses, labeurs et hasards. » D’Aubigné, si on l’avait pressé, eût peut-être été dans l’embarras de fixer ce beau temps où l’épée de la noblesse était toujours pour le parti le plus juste ; dans les souvenirs de la fin de sa vie, il confond involontairement ce temps idéal avec celui de sa jeunesse, le bel âge pour tous : quand il devint vieux, il ne fut pas des derniers à crier à la décadence. […] Un soir que les deux seuls serviteurs fidèles qui étaient restés près de lui, d’Aubigné, son écuyer, et Armagnac, son premier valet de chambre, découragés eux-mêmes et se disposant bientôt à partir sans dire adieu, veillaient une dernière fois à son chevet ; comme il était malade et tremblant de lièvre sous ses rideaux, ils l’entendirent soupirer et chanter un psaume, au couplet qui déplore l’éloignement des fidèles amis ; Armagnac alors pressa l’autre, c’est-à-dire d’Aubigné, de prendre cette occasion pour parler hardiment.

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