La philosophie l’ennuya ; elle se faisait encore en latin et dans la forme du syllogisme : il demanda de s’en affranchir, et son père lui permit de terminer en liberté ses études sous ses yeux. […] Il ne faut point imiter, disait-il, ces peuples anciens qui, dans l’effroi causé par l’incendie de Phaéton, se mirent à demander aux dieux des ténèbres éternelles. […] À toutes les qualités qui sont nécessaires à l’orateur, Droz demande que son caractère unisse encore la sensibilité : « Beaucoup de force d’âme au premier coup d’œil, dit-il, paraît l’exclure : mais l’élévation est le point qui les unit. » L’élévation d’âme n’est pas tout encore, si l’orateur n’y joint réellement la vertu ; Droz y insiste, et non point par des lieux communs de morale, mais par des observations pratiques incontestables : « Croyez qu’il n’est chez aucun peuple assez d’immoralité, dit-il, pour que la réputation de celui qui parle soit indifférente à ceux qui l’écoutent. » Lorsque plus tard, historien de la Révolution, il aura à parler de Mirabeau, dont il appréciait si bien la grandeur, combien il aura occasion de vérifier ce côté d’autorité morale si nécessaire, par où il a manqué ! Au-dessous du génie, qui est le don unique de la nature, il est de nobles places encore, et Droz se plaît à les indiquer aux jeunes talents comme des degrés honorables dans lesquels ils peuvent se rendre utiles et mériter l’estime : « Et peut-être est-ce là le partage, ajoute-t-il, qu’il faut demander pour ceux dont on désire le bonheur ; avec plus de moyens on s’élève à bien des périls. » C’est ainsi que, dès les premiers pas, cette âme élevée et justement tempérée circonscrit elle-même la limite de son désir et marque d’avance son niveau. […] Demandez donc au poète, qui a dit que la vie coule à flots de pourpre dans ses veines, de se plaire à la ralentir et à la modérer, comme on ferait des flots de lait ou de miel.